Festival de Cannes : les femmes oubliées ?
C'est un constat qui appelle la controverse, et qui pourtant revient chaque année.
Cette fois encore, le cinéma semble mépriser ses protagonistes féminins. Sur dix-neuf films en compétition pour la Palme d’Or 2013, une seule femme : Valeria Bruni Tedeschi, pour Un château en Italie.
Si l’on peut se réjouir de la parité parfaite que présente le jury du Festival et de la présence de six femmes pour neuf compétiteurs dans la sélection Un Certain Regard, la catégorie la plus prestigieuse de la cérémonie semble avoir des progrès à faire.
Une seule femme a d’ailleurs jamais été primée de la Palme d’Or. C’était en 1993, pour La leçon de piano. Etrange clin d’oeil, elle est d’ailleurs cette année présidente du jury de la Cinéfondation. Un mea culpa manifeste ?
Déjà soulignée l’an dernier par le groupe d’action féministe La Barbe s’insurgeant de l’absence totale de réalisatrices féminines en compétition, la polémique avait débouché sur un débat plus vaste, celui de la place des femmes dans le septième art. En effet, le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, avait alors rétorqué que le réel problème résidait dans la présence minime de la gent féminine en amont, évoquant les effectifs exclusivement masculins composant déjà les écoles de cinéma. Bien loin d’une position sexiste, le manque flagrant de femmes récompensées pour leur talents de réalisation relèverait-il alors du constat plus global d’une profession à 90% masculine ?
Non, a répliqué le président du Festival lui-même. Interviewé à la radio, Gilles Jacob a ainsi réfuté net les affirmations de son collègue.
Ce n’est pas vrai, il y en a de 40 à 50%. Elles ne finissent pas toutes réalisatrices, mais je crois que vous êtes mal informés.
S’exprimant également sur la controverse, il s’est néanmoins défendu de toute pratique sexiste, a évoqué le score honorable de la ciné-fondation, regroupant 8 films d’étudiantes sur 18 sélectionnés, mais ne s’est adonné à aucune réelle déclaration concernant le monopole masculin sur l’éventail des longs-métrages en lice pour la récompense suprême.
Le comité de préparation du Festival est-il ainsi victime d’un schéma patriarcal ? Que font alors les dirigeants politiques dans tout ça ? La ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem a ainsi répondu à l’AFP.
La question qui se pose aujourd’hui c’est ‘est-ce que nous avons suffisamment de femmes qui sont formées, qui sont accompagnées, soutenues dans leur volonté de devenir réalisatrices ?’ C’est vrai qu’il y a une avance qui a été prise par les hommes en la matière par rapport aux femmes. Je souhaite qu’on puisse les mettre davantage en avant, mais c’est toute la question, au-delà du Festival de Cannes, de notre politique culturelle.
En sachant que la ministre de la Culture elle-même n’avait souhaité l’an dernier prendre position sur la question, estimant qu’il ne relevait pas de son devoir que de « s’immiscer » dans la programmation cannoise.
Des protagonistes culturels ou politiques qui se renvoient tour à tour la balle, un systématisme aux allures misogynes qui semble difficilement désancrable, il y a encore beaucoup à faire pour que les femmes réalisatrices trouvent leur place au Festival de Cannes. Il serait temps qu’au-delà d’assurer un spectacle glamour sur tapis rouge, la gent féminine soit propulsée au devant de la scène. Sans pour autant tomber dans l’écueil de la discrimination positive. Le combat s’annonce de longue haleine.
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